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LA GUERRE DES METAUX RARES

Présentation devant le groupe Obseco de l’association RAMM (décembre 2018)

Il est prévu que je dois vous parler de métaux rares et de terres rares. Un point doit être précisé dès l’abord : Je n’ai aucune compétence spéciale en la matière.

            J’ai simplement assisté à une conférence que j’ai trouvée passionnante et ai acheté le livre correspondant. Je vais donc me contenter de résumer ce que j’ai ainsi appris.

            L’auteur se nomme Guillaume Pitron. C’est un journaliste, grand reporter, qui pendant six années est allé enquêter dans une douzaine de régions du monde et en particulier jusqu'au fin fond de la Chine.

            Son livre connait un énorme succès – il en est le premier surpris. C’est ainsi que, publié en avril dernier, ce document a déjà été traduit en 4 langues.

            Le livre s’intitule « La guerre des métaux rares » avec un sous-titre éclairant : la face cachée de la transition énergétique et numérique ». L’ouvrage est préfacé par Hubert Védrine.

            Petit rappel :

-         Depuis le début de l’humanité, l’énergie utilisée est provenue du feu, du vent, des torrents et de la traction animale ;

-         Au XIX° siècle, la machine à vapeur a utilisé le charbon, entrainant la première révolution industrielle ;

-         Le XX° siècle, avec l’invention du moteur à explosion, on a eu recours au pétrole.

-         Au XXI° siècle, selon l’auteur, nous abordons une nouvelle époque, avec le développement des énergies renouvelables et l’explosion des techniques de l’information. Nous allons avoir besoin de nouvelles matières premières : les métaux rares et les terres rares.

De cela, bien peu de gens ont actuellement conscience.

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Les hommes exploitent depuis longtemps des métaux relativement abondants tels le fer, le zinc, l’aluminium, le plomb, etc… Dans les années 1970, on a commencé à tirer parti des fabuleuses propriétés magnétiques et chimiques d’une multitude de petits métaux rares contenus dans les roches terrestres dans des proportions bien moindres. Ces métaux rares sont au nombre d’environ une trentaine et portent des noms connus même si on ne sait pas toujours exactement à quoi ils correspondent. Je cite au hasard : antimoine, germanium, vanadium, tungstène, beryllium, cobalt.

Certains sont co-produits avec des métaux traditionnels. Pour d’autres, l’obtention est difficile : par exemple, il faut huit tonnes et demie de roches pour obtenir un kilo de vanadium et 16 tonnes pour un kilo de cerium ; il faut 50 tonnes pour l’équivalent en gallium et le chiffre ahurissant de 1 200 tonnes pour un kilo de lutécium.

L’usage de ces métaux rares se sont multipliés dans deux domaines qui sont les piliers essentiels de la transition énergétique : les techniques que nous appelons « vertes » et le numérique. Les éoliennes, les panneaux sol            aires, les véhicules électriques, grâce aux métaux rares dont ils sont truffés, produisent une énergie décarbonée qui va transiter par des réseaux électriques dits « ultra performants » qui permettent des économies d’énergie. Or ceux-ci sont pilotés par des technologies numériques, elles aussi farcies de métaux rares.

A titre d’exemple, les voitures électriques ou hybrides peuvent contenir de 9 à 11 kg de terres rares.

Si l’on décortique un iPhone, on constate que, pour fabriquer la batterie, on utilise : lithium, cobalt, carbone, aluminium. Pour l’équipement électronique intérieur, 18 métaux rares sont utilisés. Pour l’écran, ce sont 13 matières différentes. Même pour confectionner la simple coque, il faut carbone, magnésium, brome et nickel.

Les propriétés magnétiques exceptionnelles de certains de ces métaux sont utilisées dans la fabrication d’aimants dont certains sont ultra-puissants. Ces aimants constituent en particulier un élément essentiel des moteurs électriques pour lesquels on prévoit un énorme développement.

Déjà, des mini-moteurs font monter les ascenseurs, font mouvoir une bicyclette électrique ou une brosse à dents électrique.

Le plus étonnant est que ces métaux se sont également révélés indispensables aux nouvelles technologies de l’information puisque leurs propriétés permettent de moduler les flux électriques dans les appareils numériques.

Par ailleurs, les technologies vertes et les technologies digitales convergent : des logiciels et des algorithmes permettent d’ajuster les flux d’énergie. C’est l’enjeu des compteurs Linky qui équipent nos habitations.

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Les métaux rares et les terres rares existent dans de nombreuses régions du monde. Pourtant, celles qui sont employées actuellement par l’industrie proviennent pour la plus grande part de Chine. Pourquoi ?

La raison principale est que l’activité d’extraction de ces matières premières est particulièrement polluante : des quantités énormes de déchets puisqu’il faut traiter des tonnes et des tonnes de roches pour extraire une petite quantité de matière ; il y a besoin aussi d’énormes quantités d’eau qui, en cours de traitement, se chargent d’éléments nocifs tel le cyanure lesquels vont ensuite polluer les rivières et les fleuves.

Nos sociétés s’astreignant à un objectif de « risque zéro », toutes sortes d’activités industrielles ont été interdites en France et dans l’ensemble du monde occidental.

Ces pays ont donc vu avec joie ce type d’activité se déplacer vers la Chine – transfert d’entreprises et de technologie. En effet, peu nous importe que certaines régions de Chine soient complètement polluées, avec des incidences gravissimes sur la santé des gens. Cela se passe loin de nos yeux. Le livre donne une description apocalyptique de ce qui se passe là-bas.

A noter que le livre donne deux exemples précis de ce type de transfert, l’un concernant les Etats-Unis, l’autre la France avec la société Rhone-Poulenc.

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Le résultat de tout ceci a abouti à une prédominance de la Chine sur le marché des métaux rares. Comme tout détenteur d’un quasi-monopole, ce pays a eu tendance à en abuser en manipulant les marchés et en ignorant les règles du commerce international.

Actuellement, on est passé au cran au-dessus : la Chine utilise les terres rares et les métaux rares qu’elle produit pour confectionner des éléments de haute technologie qu’elle utilise à domicile et vend aux autres pays du monde.

Elle a donc attiré par la séduction ou la force les industriels étrangers sur son territoire ; elle s’est associée à eux par des joint-ventures avant d’enclencher un processus de co-innovation, qui lui a permis, par exemple, d’accaparer les technologies des fabricants américains et japonais de super-aimants. A la fin de la décennie 1990, le Japon, les Etats-Unis et l’Europe concentraient 90 % du marché des aimants, la Chine contrôle désormais les trois quarts de la production mondiale.

Cerise sur le gâteau, il est apparu que même l’armée américaine, pour la construction de ses matériels les plus sophistiqués, est dépendante d’équipements en provenance de Chine.

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Question : faut-il refaire de l’Hexagone une puissance minière ? C’est une idée scandaleuse qui, semble-t-il séduit l’entourage du président Macron – elle avait d’ailleurs été émise en premier par M. Montebourg. Mais, bien sûr, elle révulse les écologistes. Qui vivra verra.

En conclusion :

Transition énergétique, révolution numérique, mutation écologique. Les medias, les politiques, les industriels nous promettent en chœur un nouveau monde enfin affranchi du pétrole, des pollutions, des pénuries et des tensions militaires. Cette folle espérance a même donné lieu à un accord mondial, connu sous le nom d’Accord de Paris sur le climat.

En nous émancipant des énergies fossiles, nous sombrons en réalité dans une nouvelle dépendance : celle aux métaux rares. Or, d’après Guillaume Pitron, les coûts environnementaux, économiques et géopolitiques de cette dépendance pourraient se révéler encore plus dramatiques que ceux qui nous lient au pétrole.

Pour ne pas conclure sur une note trop pessimiste, je rappellerai le vieil adage : le pire n’est jamais sûr. En effet, l’imagination de l’homme peut amener à découvrir de nouvelles sources d’énergie. Par exemple, actuellement, on travaille à remplacer le silicium des panneaux photovoltaïques par une autre catégorie de minéraux beaucoup plus répandue.

Je cite la dernière phrase du livre : nous n’avons pas de problèmes de matières rares, nous n’avons que des problèmes de matière grise.