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2024-04-28 18:55

                        L’ABBAYE CISTERCIENNE DE FONTFROIDE

                                               DITE « ABBAYE DES ARTISTES »

Cette abbaye est située près de Narbonne, au creux d’un vallon, dans le massif des Corbières. Elle a été fondée à la toute fin du XI° siècle et, après avoir connu une période particulièrement florissante, a subi les différents soubresauts de l’histoire (lutte contre l’hérésie cathare, peste noire, commende, Révolution). Au XX° siècle, un couple de mécènes l’a magnifiquement restaurée et en a fait un lieu de rencontre pour des artistes.

HISTOIRE DE L’ABBAYE

La fondation

C’était à l’origine une abbaye bénédictine créée en 1093 et qui a été rattachée à l’ordre de Citeaux en 1145. Située sur des terres du vicomte de Narbonne, abondamment irriguées par des cours d’eau et un torrent, elle a pris le nom de Fontfroide, la source fraîche.

La communauté a progressé rapidement grâce à de nombreuses donations seigneuriales. Son domaine foncier s’est peu à peu étendu jusqu’à atteindre quelque 30.000 ha, entre Béziers et l’Espagne. L’abbaye a abrité jusqu’à 80 moines et plus de 200 frères convers, devenant ainsi l’une des abbayes cisterciennes les plus influentes d’Europe et essaimant même en Catalogne.

Cette période faste a duré jusqu’à la moitié du XIV° siècle. Atteignant Narbonne en 1348, la peste noire a en effet emporté la quasi-totalité de la communauté.

La croisade contre les Albigeois

            Précédemment, en 1203, Pierre de Castelnau, moine de l’abbaye et archidiacre, a été nommé légat du pape par Innocent III. Cet honneur était assorti d’une difficile mission : combattre l’hérésie cathare qui s’était propagée rapidement dans toute l’Occitanie (les tenants de cette nouvelle croyance réclamaient le retour au modèle de l’église des premiers temps du  christianisme).   Dans l’accomplissement de cette tâche, Castelnau s’est heurté au comte de Toulouse qui, à la suite d’une entrevue orageuse, l’a fait assassiner.

            A partir de là, Fontfroide est devenue le centre névralgique de l’orthodoxie catholique et le fer de lance de la lutte contre les hérésies cathare et vaudoise. Cette guerre religieuse, première croisade contre les hérétiques en terre chrétienne et qui a été marquée par beaucoup d’atrocités, est connue sous le nom de croisade contre les Albigeois.

            Ultérieurement, un ancien abbé de Fontfroide, évêque de Pamiers, a été nommé pape sous le nom de Benoit XII (c’est lui qui a lancé la construction du palais pontifical d’Avignon).

  

La commende

En 1473, Fontfroide est « tombée en commende » : elle n’a plus été dirigée par des religieux mais par des « abbés » commendataires. Ce système complexe confiait la gestion financière, sans fonctions liturgiques, a des personnes nommées par le pape, puis après le concordat de Bologne (1516), par le roi de France. Surtout ce système attribuait à son titulaire le bénéfice des revenus de l’abbaye, lequel ne reversait souvent que le minimum à la communauté religieuse.

C’est ainsi que Fontfroide s’est peu à peu appauvrie. Le nombre des moines a diminué progressivement et ils n’ont plus été que quelques-uns à la veille de la Révolution. Parallèlement, la vie des moines n’a plus eu grand-chose à voir avec l’idéal cistercien.

 A noter toutefois que, lors de cette période, les abbés commendataires ont pratiqué de nombreux embellissements dans l’abbaye, lui donnant ainsi une allure de château (cour d’honneur, frontons, jardins en terrasses).

La Révolution et ses suites

            Incluse dans la vente des biens nationaux et, faute d’acquéreur, l’abbaye a été donnée en 1791 aux hospices de Narbonne. Ceux-ci l’ont vendue, en 1833, à un particulier qui a tenté de la sauver. Violet-le-Duc s’est rendu sur place en 1843 et sa visite a été décisive : l’église, le cloître et la salle capitulaire ont été inscrits dans la première liste d’inventaire ; les premiers travaux de restauration sous contrôle de l’Etat ont été lancés.

            En 1848, elle a de nouveau été occupée par quelques moines, ceux-ci provenant de l’abbaye de Senanque. Toutefois, en 1905, au moment de la loi de séparation  de l’Eglise et de l’Etat, l’abbaye a été une nouvelle fois  livrée à elle-même.

Une vie nouvelle

            En 1908, l’abbaye a été achetée aux enchères par un couple : Madeleine et Gustave Fayet. Ce dernier était peintre mais est surtout connu pour son talent de collectionneur visionnaire et ses commandes d’œuvres symbolistes. Les nouveaux acquéreurs ont entrepris de restaurer et de décorer les lieux. Le chantier a duré dix ans.

            Sans attendre la fin des travaux, le couple a ouvert sa demeure à ses nombreux amis artistes, dont les plus connus sont Odilon Redon, Aristide Maillol, Henri de Montfreid et Maurice Ravel.

            Depuis, les descendants du couple Fayet, toujours propriétaires des lieux, continuent à faire de Fontfroide un centre d’animation culturelle.

ETAT ACTUEL DE L’ABBAYE

            L’abbaye a été magnifiquement restaurée et est particulièrement bien entretenue, les principaux centres d’intérêt étant les suivants :

L’église          

            De toutes les églises cisterciennes édifiées dans la seconde moitié du XII° siècle, l’abbatiale de Fontfroide est l’une des plus élevées (20 mètres de haut et 53 mètres de long). Avec sa voûte en berceau brisé, elle constitue un remarquable exemple d’architecture cistercienne (transition du roman au gothique).

            On y trouve cinq chapelles ainsi qu’une tribune, ajoutée au XVI° siècle, qui permettait aux moines infirmes ou malades d’assister aux offices. Un escalier, présent dès l’origine, permettait aux moines de descendre directement de leur dortoir pour les prières nocturnes.

Le cloître

            Sa sobriété est d’une extrême élégance. Ses galeries voutées d’ogive s’ouvrent par des arcades reposant sur de fines colonnettes de marbre décorées de chapiteaux à motifs végétaux.

            Dans la galerie sud, deux bassins de pierre servaient à la cérémonie du mandatum : le lavement des pieds, pratiqué chez les cisterciens chaque samedi.

La salle capitulaire

            On trouve dans cette salle les mêmes croisées que dans le transept ou le chœur de l’église. Les arcs et croisées sont soutenus par des colonnes en marbre aux chapiteaux ornés de deux rangs de feuilles plates, représentation du « ciel », le roseau des étangs de Bourgogne (cistelle) qui a donné son nom à Citeaux.

            C’est en ce lieu, rappelons-le, que la communauté monastique se retrouvait pour chanter « prime » (la première heure du jour). Assis autour du père abbé, les moines écoutaient ensuite la lecture du martyrologue (évocation des saints à commémorer les jours suivants) avant celle d’un chapitre de la « règle de Saint Benoît ». C’est également en cette occasion que le travail quotidien était réparti et que les sujets relatifs à la vie de l’abbaye étaient évoqués. La tenue du chapitre s’achevait par la confession publique des manquements à la règle.

            Les frères convers n’avaient pas « voix au chapitre » mais pouvaient éventuellement  y assister à partir du cloître.

La ruelle des convers

            Ce couloir longe le mur qui séparait la partie de l’abbaye réservée aux moines et celle qui abritait les frères convers. Il permettait à ceux-ci d’accéder au cellier et de se rendre à l’église sans déranger l’office chanté par les moines. Très peu d’abbayes cisterciennes ont conservé leur ruelle.

            Rappelons que, selon la règle de Saint-Benoît, les moines ne devaient pas quitter l’enceinte du monastère. Il s’agissait de lettrés qui se consacraient essentiellement à des activités religieuses et intellectuelles. La vie matérielle du monastère était assurée par les « granges », fermes pratiquant l’élevage, l’agriculture et la viticulture et où travaillaient les frères convers. Ceux-ci, d’origine paysanne et illettrés avaient des obligations liturgiques réduites : un office seulement le samedi ou le dimanche.

           

Le réfectoire des convers

             Construit à la fin du XII° siècle, ce réfectoire pouvait accueillir jusqu’à 200, peut-être même 250 convives. Le lieu a subi des modifications : création d’ouvertures, grille en fer forgé ornée de pampres, créée par Gustave Fayet, installation d’une cheminée de style Renaissance provenant du château, détruit au XVII° siècle, des ducs de Montmorency à Pézenas. A ce propos, rappelons que ni les réfectoires, ni les dortoirs n’étaient chauffés.

La cour de travail

            Au Moyen Age, cette cour abritait des ateliers tels la forge, la menuiserie, la boulangerie, centrés autour du puits.

La cour d’honneur

            Elle a été aménagée entre le XV° et le XVIII° siècle. Le porche et l’arcature à trois baies classiques ont été installés au XVIII° siècle.

            On peut remarquer, au premier étage des logis abbatiaux, des fenêtres à meneaux de style Renaissance, résultat des aménagements effectués lorsque l’abbaye n’a plus abrité de frères convers.

           

Les jardins

            Situés sur la colline face aux bâtiments de l’abbaye, des jardins en terrasses ont été créés, à la fin du XVI° siècle, par la mère d’un abbé commendataire. Ils ont été remaniés par la famille Fayet grâce à des plantations et l’installation de bassins et de fontaines.

            Par ailleurs, au pied de  l’abbatiale, on trouve une roseraie qui a été réhabilitée en 1990, à la suite d’un incendie.

Les vitraux

Dans toute l’abbaye, on trouve des vitraux très colorés, ce qui peut surprendre dans des bâtiments cisterciens. Du temps des moines, en effet, selon une règle rigoureuse, les fenêtres étaient seulement garnies de verres « en grisaille ».  Quand le couple Fayet a acquis Fontfroide, les verrières avaient disparu, les ouvertures restaient béantes. Ils ont adopté alors le parti de faire chanter la couleur.

Gustave Fayet et son ami Richard Burgsthal ont créé, dans la vallée de la Bièvre, la « verrerie des sablons » où ont été confectionnés les différents vitraux que l’on peut admirer de nos jours à Fontfroide, en particulier une série concernant la vie de Saint François.

Une abbaye ouverte au public

L’abbaye est ouverte, en toutes saisons, pour des visites. De nombreuses manifestations culturelles s’y déroulent, en particulier des concerts (chaque printemps a lieu un concert de chant grégorien). Dans la bibliothèque est évoquée l’œuvre d’Odilon Redon.